Escalade 2 - Casiri Este

Nous avons passé les prochaines quatre jours au camp de base, j’ai vu un condor pendant un instant à travers les nuages (3/8/72), nous avons cousu un tapis de sol dans la tente de bivouac bleu, et, surtout, nous avons joué beaucoup de bridge. Ainsi psychologiquement et matériellement préparés pour les hautes altitudes, nous sommes repartis par le Canyon au plateau de neige pour tenter la face est de Casiri Este (5950m). Ce soir-là (6/8/72) nous avons dormi au site sur les moraines juste avant l’arête principale, où nous avons retrouvé le dépôt de la dernière visite.

Le lendemain matin nous somme remis à frayer notre chemin péniblement, et bien chargés, à travers les gravats démoralisant. Une tempête de neige a commencé, venu du bassin amazonien comme d’habitude, et nous étions sur le point de rebrousser chemin quand le soleil est sortis à travers les nuages. Encouragés, nous avons continué par-dessus l’arête principal pour bivouaquer sur le plateau glacier, à côté du Monte Triangulo.

Après une nuit raisonnable nous voilà repartis au-dessus de Mesketanya. Après avoir laissé des provisions et du matériel sur le col juste au sud, nous sommes descendus à gauche (Est) à un autre glacier plus bas avec de la nourriture pour 1 1/2 jours. Nous avons traversé sous la face est de Casiri Este et avons planté la tente sur la glace sous l’arête, en lançant des regards appréhensifs sur les dalles de granite qui constituaient le centre de la face. Les vues étaient, comme toujours, splendides. La face sud de Monte Triangulo se détachait bien contre les couleurs du coucher du soleil sur les nuages. Nous avons passé une nuit confortable.

Au matin (9/8/72) nous sommes partis à 9H00 et avons escaladé la neige pour à peu près 150m avant de traverser sur la face. La première longueur avait déjà nécessité l’aide de quelques pitons et pendant le deuxième, après avoir planté 5 pitons en 15m, nous sommes redescendus en rappel et traversé à gauche 30m pour regagnés l’arête sud-ouest. Ici le terrain était plus facile et nous avons grimpé le granite plus cassé pendant 6 longueurs, menant la cordé à tour de rôle. Rich a terminé sur la neige en corniche au sommet juste à la tombée de nuit, le soleil qui quittait l’Altiplano faisait du lac Titicaca une mer de plomb en fusion, dans une vie on ne passe pas beaucoup de soirées dans un tel cadre!

“Cadre” n’est guère le bon terme car il n’en avait pas, nous nous trouvions sur une pointe triangulaire de glace et de roche à presque 6000m et il faisait tard. Rich s’est mis à descendre la pente de neige raide de l’autre côté (Nord-ouest) vers un probable site de bivouac sur l’arête sud-ouest. Je l’ai suivi dans la pénombre et j’ai réussi à déraper et tomber 5 mètres, heureusement tenu sur la chorde par Rich. Nous sommes arrivés à coupé une petite plate-forme sur la crête de glace, et après un repas un peu plus léger que d’habitude, nous n’en avions plus de nourriture, nous avions dormi assez bien sur notre perchoir vertigineux.

Après ce qui est noté dans mon journal comme un “petit déjeuner pauvre”, nous avons suivi l’arête au sud pendant deux petites longueurs avant de descendre en rappel à l’ouest. Ensuite, par une pente de glace raide et désagréable de 60m nous sommes arrivés à la rimaye. Nous étions un peu appréhensifs parce que nous avons lu un rapport sur un accident à cet endroit, des alpinistes britanniques auraient été tués en tombant dans ce même trou. Nous avons cherché un peu partout mais n’avons trouvé aucune trace.

Nous avons hésité avant de décider de descendre au glacier plutôt que traverser au même niveau au nord vers Cramatawa, un sommet secondaire entre Casiri Este et Mesketanya. C’était une erreur, nous avons trouvé un chemin à travers le chute de glace mais ceci a entraîné une traversée fatiguant et désagréable pendant 500 mètres sur de la glace dure sur nos pointes avants. Finalement, nous sommes remontés sur l’arête entre Mesketanya et Cramatawa. Nous nous sommes retournés à 30m de ce dernier mais comme il se faisait tard nous avons rebroussé chemin à notre dépôt de nourriture et avons installé la tente pour un bivouac sur le col venteux au sud de Mesketanya. Nous étions bien content de retrouver les provisions que nous y avions laissé.

La vente a soufflé toute la nuit, mais en dépit de la neige poudreuse qui a commencé à entrer dans la tente à partir de 22 heures, nous avons bien dormi. Cependant, le réveil était rude, il y avait de la neige partout et les chaussures de Rich étaient comme des gros blocs de glace. Après un petit déjeuner rapide avec des doigts gelés, nous avons mis tous les vêtements en duvet en notre possession, j’ai même mis mon pantalon en duvet pour la première fois - ce vêtement avait provoqué pas mal de commentaires moqueurs pendant les préparations de l’expédition - et nous sommes partis d’un pas lourd dans une épaisse couverture de neige fraîche. La progression était dure, et cette fois nous avons contourné Mesketanya au lieu de passer par-dessus, pour ensuite traverser le col et descendre la moraine qui nous était maintenant devenue familière, jusqu’au notre site bien établi, au chaud parmi les gravats. Ici nous nous sommes offerts le plaisir d’un festin de deux heures que nous avons considéré bien mérité. Nous sommes même laissé aller jusqu’à consommer “une boite de curry supplémentaire” selon mes notes griffonnées - vraiment la grande bouffe!

C’était maintenant 15H00 et nous avons traversé l’herbe brûlée vers le Canyon et le Lac Vert. Nous avons observé, encore une fois, d’étranges petites créatures noires, un peu comme des écureuils. Ils semblaient vivre entre les rochers, comme des marmottes dans les Alpes, mais ils étaient sûrement une autre espèce. Au lac nous avons rencontré une créature un peu plus gros, Steve, et ensemble nous avons continué au camp de base  (11/8/72). Tout le monde était là sauf Neville et Paul Mac qui ont débarqué après la tombée de nuit, mais à temps pour le dîner. Ce soir-là nous ne nous sommes pas couchés tôt, la conversation et les jeux de cartes dans la grande tente familiale, qui valait bien son poids en or, ont continué jusqu’aux petites heures du matin.

                 

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