Notre
camion surchargé, avec nous assis sur sa cargaison avec quelques
autochtones, tous des indiens (ou indiennes), a monté la côte à
travers le quartier indien jusqu’à l’Altiplano, déjà à 4000 mètres.
Ensuite nous sommes dirigés vers le nord sur une piste de terre qui
traversait le plateau avec des perspectives des montagnes au loin. Il
n’y avait peu de maisons, et l’agriculture consistait en pâturages
pauvres et des champs de pommes de terre pierreux, tous cultivés
manuellement. De
temps en temps nous passions devant des indiens, en groupe ou seul. Ils
nous regardaient passer impassiblement, les enfants plus démonstratifs
que les adultes, des hommes dans leurs chapeaux en laine familiers
ou les femmes en jupes larges et des chapeaux melons noirs. Si nous les saluâmes, ils nous retournèrent
la salutation poliment, dès fois avec un sourire timide, mais
l’ambiance générale était surtout une de distance, ils semblaient
aussi loin de notre monde que nous des pics blancs à l’horizon. Le
soleil brillait dans un ciel bleu éclatant, ni trop froid, ni trop
chaud, un temps parfait pour ceux, comme moi, qui n’aime pas la
chaleur des sites estivaux au niveau de la mer. La route était assez
bonne, mais de temps en temps, en passant sur une bosse, je sentais le
bords tranchant d’une caisse en bois sur laquelle j’étais assis. En
cherchant de me mettre plus à l’aise, j’ai soulevé une couverture
en laine qui le couvrait et j’ai lu le contenu peint sur le bois :
“Nitroglycérine”! Je savais que nous nous dirigions vers une mine,
et qu’en principe l’emballage devrait le protéger pour le
transport, mais cette découverte a, quand même, ajouté une certaine
piquante à la situation; si Lima et La Paz étaient un monde différent
de Londres, ici c’était un niveau de différence supplémentaire.
Comme nous allions bientôt découvrir, nous étions ici parmi des
Aymaras, une peuple d’abord écrasé par les Incas et ensuite par le
Espagnols, et dont la langue et la culture est toujours différents des
deux. Le
soir nous sommes arrivés à Sorato, et nous avons dormi dans une maison
qui appartenait à Arturos, le chauffeur. C’était un grand bâtiment,
assez délabré, de style colonial, bâti sur deux étages autour
d’une cour carrée. A l’étage une gallérie avec une balustrade en
bois donnait accès aux chambres, John Wayne et Clint Eastwood auraient
été tout à fait chez eux. Dans un bar, le même soir, un habitué
jovial, à visage rond nous a montré ce qui était certainement son
tour préférée, croquer un piment rouge entier sans aucun signe de
souffrance. Evidement, nos efforts d’émuler cette prouesse ont eu
comme seule consequence la consommation en urgence de plusieurs grandes
verres d’eau, à la grande hilarité de tous présents; nous n’étions
sûrement pas les premiers gringos à tomber victimes de sa bouche en
amiante! Nous
avions quitté l’Altiplano maintenant, dans les Yungas, les hautes
vallées qui assurent la transition entre le plateau bolivien et le
bassin amazonien, et dès le matin nous étions en train de glisser dans
les ornières du chemin boueux qui menait à la Mina Candelaria. La
brume était assez épaisse mais la chute d’un côté et la montagne
de l’autre donnaient un sentiment insécurité, amplifié par les
mouvements du camion surchargé, sans parler de la caisse de nitro sur
laquelle j’étais assise. Il devenait clair que quelque chose
d’autre n’allait pas, car, sur les montés, les roues d’avant s’élevaient
de plus en plus souvent de la chaussée. Finalement, le chauffeur
s’est arrêté et nous sommes tous descendus pour jeter un coup d’œil.
Ce qui s’était passé c’est que tout le plate-forme de chargement
c’était glissé un peu en arrière. Le camion avait déjà un
empattement assez court avec un déport arrière important, comme les
autocars de la poste suisses, et pour les mêmes raisons, c’est à
dire afin de faciliter le passage dans les virages à épingle de
cheveux et pour mettre plus de poids sur les roues de traction arrières.
Le résultat était que maintenant le devant du camion était beaucoup
trop léger et nous étions en vrai danger de quitter la route. La
seule solution était de décharger quelques-unes de nos caisses pour
permettre au camion de gagner la mine, faire les réparations, et
revenir nous prendre plus tard. Une fois les caisses déchargées, nous
étions trois à nous installer pour notre premier bivouac de l’expédition,
au bord de la route, sous la pluie et à l’abri d’une feuille de
plastique étalée sur les boites. Le brouillard restait épais, mais il
ne faisait pas froid et bientôt la pleine lune est sortie,
resplendissant de son halo féerique, pour nous éclairer à travers les
nuages. Nous avons passé une nuit, étrange mais pas désagréable. A
l’aube, froide et belle, le camion est revenu et nous avons continué
à travers ce paysage dessolé et rocheux. Nous étions maintenant
au-dessus des arbres et de l’herbe en touffes avait remplacé la végétation
luxuriante de la vielle, des massifs rocheux et des dalles assez
impressionnantes commençaient à aiguiser nos appétits pour les
montagnes à venir. A
la mine les autres avaient été très bien accueillis et préparaient
pour le transport de nos affaires à Cheracota, l’endroit prévu pour
notre camp de base. Par bêtise inexplicable, nous avons supposé que
des lamas portent autant que des ânes, et tous nos bagages étaient
emballés dans des boites qui pesaient 20 kilos (les célèbres "Tri-wall
boxes"), un âne auraient porté
deux de chaque côté. Un lama, par contre, comme n’importe lequel
explorateur expérimenté, indien ou zoologiste savent, est une bête légère,
dont la taille visible est surtout fait d’une gros manteau de laine.
Ils portent que quelques kilos chacun et il a fallu défaire tout et le
remettre dans des sacoches en laine prêtées par les propriétaires des
animaux. Notre interlocuteur était Angelino, un Aymara du village près
de la mine et le seul qui parlait l’espagnol, ou
la castellaño comme il disait. C’était quelqu’un d’honnête
et efficace et quand, deux jours plus tard à Cheracota, tout avait été
déchargé en vrac, dans un énorme tas de boites de conserves, une vérification
a démontré qu’il n’en manquait pas une. En considérant qu’aucun
de nous n’était présent pour le déchargement, nous étions tous en
train de monter essoufflés loin derrière, c’était la preuve d’une
intégrité que nous avons trouvé impressionnante, surtout en vue de la
différence de niveau de richesse entre nous et les villageois concernés. La
mine produisait du wolfram, le minérale dont on extrait le tungstène.
Tout l’exploitation était fait manuellement, avec un peu d’aide de
la dynamite, ce qui explique mon compagnon de voyage. Nous avons pu
visiter les galléries. Un mineur de Cornouaille d’antan aurait trouvé
les outils rudimentaires: des pics, des bars à mine, des marteaux et
des pelles. Le rocher métamorphique était dur, et les tunnels à peine
assez hauts pour marcher. Près de l’entrée il y avait un petit autel
avec une effigie humaine fait de pommes de terre entourées de feuilles
de coca. On nous faisait comprendre que c’était la représentation de
la Vierge Marie, ou un autre saint - la communication était difficile -
mais clairement, comme dans toute l’Amérique, la population indienne
avait “adopté” la religion catholique avec une interprétation
assez large. Le
masticage des feuilles de coca était très répondue, beaucoup de
mineurs avaient la joue gonflé en permanence à force de mâcher une
boule de ces feuilles continuellement. Ils n’auraient pas pu supporter
le climat, l’altitude et le travail sinon, surtout sur leur régime de
pommes de terres avec juste un peu de poisson en conserve, de l’œuf
ou, encore plus rarement, de la viande de temps en temps. Pour donner
une idée de leur vie, le village près de la mine que la plupart des
mineurs habitait est au fond de la vallée, 1000 mètres plus bas. Tous
les jours, avant même de commencer leur travail, ils avaient ce petit réchauffement
à faire à pied: nous ne les envions pas. Pour
nous, la direction était vers le bas, et bientôt nous étions en train
d’essayer de rester avec notre troupeau de lamas qui gambadaient vers
le village, accompagné par une petite fille, qui portait déjà sans
peine un petit paquet au dos, et des hommes qui portaient également des
charges pour nous. Dans le village pittoresque, avec son petit pont en
branches et terre qui traversait le ruisseau, des derniers réglages étaient
faits aux sacoches et nous sommes partis au sud vers les montagnes, qui
nous dominaient déjà. Devant nous la longue arête qui menait au Pico
del Norte et l’Illampu nous attirait: avant longtemps ce dernier
allait nous inspirer des émotions biens différents. Il fallait maintenant regagner la dénivelé perdue à partir de la mine de l’autre côté de la vallée, et c’était un bien triste bande d’alpinistes qui ont bivouaqué ce soir-là en deux parties séparées grâce à une “erreur de navigation”. Rich et moi ont dormi à côté d’un petit lac haut sur le flanc de coteau, et à 16H00 le lendemain nous sommes arrivés à Cheracota, un endroit charmant entre un ruisseau et un lac noir, calme comme un miroir, d’eau extrêmement froide, et qui allait être notre refuge pour les semaines à venir. |
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