Le voyage de Londres à La Paz

La problématique de transport était tout à fait différente de celle d’une destination en Asie, plus compliquée et, surtout, plus coûteux. En parlant de coût, il faut ici remercier l’Exploration Board d’Imperial Collège, dont le généreux soutient financière a rendu cette expédition, et ceux avant et après, possible. Nous avons aussi été aidés par le Mount Everest Foundation, l’Association Internationale d’Exploration et de nombreux entreprises et individus, que je tiens aussi à remercier.

L’équipement et la nourriture seraient envoyé par mer au port d’Arica au Chili; La Bolivie n’a plus de frontière maritime depuis qu’elle a perdu la Guerre du Pacifique au Chili en 1882, un contentieux entre les deux gouvernements jusqu’à ce jour. Tout doit traverser les pays voisins par la route ou le rail. Arica est l’accès par rail habituel pour La Paz, le capital de la Bolivie. De là, le Cordillera Real n’est pas loin par la route, à travers l’Altiplano.

Nous allions voyager par un système complexe d’avion charter jusqu’a Philadelphie, car Greyhound à Miami, vol à Lima au Pérou, autobus pour monter sur l’Altiplano à Puno, point nord du lac Titicaca, bateau à vapeur (oui, vapeur) tout le long du lac vers le sud à la Bolivie, et puis finalement, chemin de fer à voie étroite jusqu’à La Paz. A l’époque c’était le moyen le moins cher, il n’y avait pas de charter direct, de nos jours il y a sûrement des façons moins compliquées, mais ils doivent sûrement manquer la charme!

Les USA (ugh!)

Nous ne sommes pas partis ensemble pour des raisons qui m’échappent maintenant, j’ai voyagé avec Steve, et les autres nous ont rattrapés à Lima. Le vol (mon premier) à Philadelphie était parfait (25/6/72), “whisky et café pour toute la traversée” selon mon journal, mais l’arrivée dans la zone industrielle qui puait le kérosène l’était un peu moins. La descente était complétée par une nuit à la gare routière Greyhound. Steve s’est endormi assis avec ses jambes étendues pour être brutalement réveillé par un gros coup de botte d’un “cop”, qui s’ennuyait sûrement et cherchait quelqu’un à emmerder. “Good Morning America!” Nous avons pris le car; nous allions découvrir que c’est décidément le moyen de transport des pauvres là bas. Les autres ont utilisé un système de livraison de voiture pour faire le trajet à Miami en Cadillac, probablement une meilleure solution. Le train ou l’avion était exclu pour des raisons de coût. Miami était chaud et désagréable, la ville et les gens. Ils attendaient une “convention” d’une partie politique et présumaient que n’importe qui avec des cheveux longs étaient venus pour l’émeute. Ce sentiment était généralement communiqué par le juron standard des yankees, tant aimé par Richard Nixon, et qui commence invariablement avec un “F”, le tout complété par des références à nos supposées activités sexuelles incestueuses avec nos mères.

Nous étions contents de repartir et encore plus quand un problème technique nous a obligés de faire une escale inattendue à Quito, capitale de l’Equateur. La compagnie aérienne nous a payé un hôtel très agréable et nous avons passé une belle journée touristique, en prenant de nombreuses photos avec mon tout nouvel appareil réflexe Canon, acheté au Duty Free. C’est un peu lourd, même pour l’époque, mais son mécanisme presque sans électronique, fonctionne toujours bien trente ans plus tard. La qualité technique de mes photos s’est améliorée nettement. Des sujets ne manquaient pas, l’Amérique du Sud est une série continuelle d’images et j’étais toujours assez jeune pour ne pas ressentir trop la souffrance derrière. J’étais vaguement idéaliste, et capable de régurgiter la série de platitudes habituelle, mais je n’étais pas vraiment touché, mon rôle d’observateur demeurait supportable.

Pérou

Pendant quelques jours Steve et moi attendions les autres et nous avons joué le touriste à Lima. La cité, à cette saison, est perpétuellement couverte par la brume. Une pluie très fine se bat continuellement avec la température. Le résultat n’est pas désagréable, mais creuser une tranchée pourrait bien être pénible. L’architecture coloniale me donnait d’amples prétextes pour consommer encore de pellicule en attendant les autres. Ensuite, c’était en route pour la Bolivie en autocar. Le nuit, sur l’Altiplano, le clair de lune était tellement forte que le chauffeur pouvait couper ses phares. Il faisait froid aussi, et a un arrêt, un autochtone amicale nous a montré leur parade préférée, un verre de pisco, avalé sec comme de la vodka, avec à peu près le même effet.

Nous sommes arrivés à Puno tôt le matin. L’air était étonnement clair, et la ville étrangement tranquille. Plus tard, nous avions su pourquoi; quelques jours avant, une manifestation de paysans a été violemment supprimée par l’armée péruvienne, laissant de nombreux indiens morts. Au moment, nous ignorions ceci et nous nous dirigeons au bord du lac pour prendre le vapeur à la Bolivie. Le T.S.S. Ollanta, fabriqué à Hull, Angleterre par Earle et Co. Ltd., amené par le mer jusqu’à la côte Pacifique, démantelé et transporté par train pour être rassemblé au bord du lac, était comme remonter une siècle en arrière. Dans la salle à manger, les tables étés recouvertes par des nappes de lin blanc, immaculés et bien repassés, les couverts étaient lourds et de l’ancien style, il y avait même du Worcester sauce sur chaque table, c’était splendide. Neville, le gentleman de l’équipe, était très impressionné!

Pendant que nous attendions, nous avions eu le temps pour explorer un peu et nous avions trouvé un autre ferry, plus petit et plus vieux, son histoire et encore plus fantastique. C’était construit également en Grande Bretagne, est venu par la mer jusqu’au Pérou et démantelé mais comme le ligne de chemin de fer n’existait pas encore il était transportait à dos de mulet jusqu’au lac à 3 800 mètres.

En soirée nous sommes partis pour la Bolivie et nous avons vogué toute la nuit. A l’aube nous avons vu pour la première fois le Cordillera Real, et pris nos premières photos. Bientôt nous étions à quai dans le port bolivien de Guaqui une belle matinée, claire et ensoleillée, et nous avions pu admirer de vielles grues à vapeur, encore “Made in England” et toujours en service après tant d’années. Nous sommes transférés ensuite abord un train à voie étroite qui semblait être presque aussi ancienne, et nous sommes partis avec un grincement de roues à travers l’Altiplano vers La Paz.

En chemin, le train s’est arrêté aux célèbres ruines pré-Incas de Tihuanaco, et nous avons tous pris de nombreuses photos de la Porte du Soleil. Quelques heures plus tard nous sommes arrivés au bord de l’Altiplano et La Paz s’étendait devant nos yeux dans son immense cuvette, avec au loin, l’Illimani, blanc et majestueux.

La Paz

Nous étions obligés de rester deux bonnes semaines à La Paz pendant que Paul réglait les problèmes d’importation de notre équipement etc. Nous étions bien reçus par le Club Andino Boliviano, trop bien peut-être dans certaines respects si on s’en jugeait par nos gueules de bois. Si jamais quelqu’un vous propose du “Leche de Tigre”, méfiez-vous! Nous étions bien accueillis aussi par l’attaché culturel de l’ambassade britannique; Noël Coward aurait été tout à fait à l’aise dans sa villa et sa conversation. Nous étions à la fois flattés et amusés par toute cette attention que nous n’attendions pas.

Ce n’était pas seulement la haute société qui nous mettait à l’aise, les indiens, qui composent la majorité de la population, étaient aussi très amicaux. Un jour, Paul Bunting et moi nous sommes promenés jusqu’à l’Altiplano en haut de la ville. C’est le quartier indien et plus pauvre de la ville car, à La Paz, les riches habitent la partie basse ou l’air est plus épais. Nous sommes tombés sur une cérémonie curieuse, des lignes d’hommes dansaient à la musique enthousiaste d’un orchestre mobile, des instruments à vente en métal, tout en portant des maquettes de voitures en plastique. Apparemment c’était un groupe de chauffeurs de taxi et leur organisation professionnelle, mais si c’était que pour s’amuser ou s’il y avait une signification religieuse nous n’avons jamais su.

Pendant que nous traînions, en savourant encore une autre belle soirée, Paul, qui parlait un peu d’Espagnol, a entamé une conversation et nous étions invités au dîner par une famille indienne. Ceci consistait en une soupe et des pommes de terres dans une petite maison construite de briques de terre sèche, comme toutes les maisons autour, et éclairé seulement par des lampes à pétrole, ils n’avaient pas d’électricité. C’était une expérience émouvante, c’était évident qu’ils étaient loin d’être riches mais ils trouvaient normale de partager leur dîner avec des gens complètement inconnus simplement pour discuter avec nous, et ceci d’une manière limitée par notre ignorance de leur langue. Quelle contraste avec la radinerie calculée de la société européenne ou on ne fait rien sans penser; “Qu’est-ce que je vais en gagner?”

Un autre soir nous nous trouvions dans un bar près de notre hôtel dans le secteur bon marché du quartier espagnol de la ville, mais ou une bonne partie de la population est indienne. Nous buvions et discutions, entre nous et autant que possible avec les autres clients qui mangeaient “El muerza” comme nous. Subitement, un d’eux a produit une guitare et s’est mis à chanter en s’accompagnant à la guitare. Nous étions impressionnés, encore plus quand un autre à fait de même. Deux musiciens dans le même bar nous semblaient une sacrée coïncidence, mais à la suite, un après l’autre, ils ont tous joué avec autant d’expertise, la voix et la guitare travaillant naturellement en harmonie, apparemment sans effort. Evidement nous étions obligés d’essayer de suivre mais aucun de nous ne savait jouer la moindre note à la guitare, et en dépit de nombreuses soirées passées à brailler des chansons folkloriques dans des pubs et au fond de la camionnette du club d’escalade, nos efforts étaient pitoyables en comparaison.

Pendant notre séjour forcé dans la ville, nous avons fait un peu de tourisme. Nous avons admiré les petites plaques de bronze sur les lampadaires devant le palais présidentiel où était indiqué le nom du président qui avait été pendu sur chacune : l’histoire de Bolivie depuis son indépendance de l’Espagne en 1825 est assez tourmentée. Il y a eu un changement de gouvernement, rarement paisible, par année en moyen: un humoriste du Club Andino nous a expliqué qu’il neigeait une fois par année à La Paz et que chaque chute de neige présagée une chute de gouvernement. Ca va sans dire que, en dépit de tous ces changements, la grande masse de la population, essentiellement indienne, n’a vu peu d’amélioration de son sort. Une visite aux pics de boue érodée de la “Vallée de la Lune” a quelques kilomètres de La Paz, et, sur la suggestion du Président du Club Andino, dont la capacité à s’amuser était égalée seulement par son hospitalité, Paul en a fait les frais (mais il vaut mieux que je n’en dis pas plus), nous avons décidé d’aller voir la “Station de Ski” de La Paz. Un Toyota Land Cruiser, le seul véhicule avec assez de puissance pour être à l’aise à cette altitude, nous a amenés à Chacaltaya, 30 km sur piste de terre tortueuse du capital et, à 5 600 mètres, la station de ski la plus haute du monde. “Station de ski” était peut-être une petite exagération, car, à l’époque, il y avait un chalet, une tire-fesse actionnée par un vieux moteur de voiture, mais seulement une piste de ski de 400 mètres. Par contre, les vues coupaient la souffle, l’altitude aussi, nous n’étions pas encore acclimatés. C’est ici que j’ai pris mon meilleur photo de Dave, Rog et Steve, c’est dommage que j’en ai pas pris d’avantage. Les montagnes autour ont consommé pas mal de pellicule aussi.

Nous sommes retournés à La Paz à pied, en descente et en ligne droite à travers l’Altiplano ce n’était pas trop dur. Nous avons rencontré notre premier lama, un bon spécimen qui nous a regardé avec une nonchalance supérieure avant de résumer à brouter l’herbe, maigre et sèche. Au loin, dans la photo, on voit bien comment La Paz a grandi dans sa cuvette juste en dessus du bord de l’Altiplano.

Enfin, les démarches administratives étaient terminées et le transport au “road-head” à une mine de wolfram qui s’appelait “Mina Candelaria” était organisé. Nos provisions et l’équipement étaient chargés sur le camion qui desservait la mine régulièrement, nous sommes montés au-dessous, et c’était “en route!”, enfin, aux montagnes.

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